Pendrifter

Évasion et introspection sur les sentiers méandreux de l'écriture

Mercredi 2 février 2011

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       Une coupe d’hydromel posée devant elle, Elika avait fini par parler, sa langue se déliant au fur et à mesure que l’alcool brûlait sa gorge. Au fond, elle n’était pas si différente des autres que ce qu’elle se plaisait à prétendre. Elle avait trouvé dans la boisson un refuge, un exutoire aussi tentant que dangereux. Son seul orgueil, sa seule prétention était de se délecter des liqueurs et des vins les plus raffinés gardés depuis des générations dans les sous-sols de la demeure Rozières. Chacun son trésor…

       Falgor, assis face à elle, n’avait pas bronché. Seul le pli qui barrait son front témoignait du souci qu’il pouvait se faire. Il avait mis tant de lui-même dans cette vulgaire mascarade qu’il appelait Résistance que chaque imprudence d’Elika lui coupait le sommeil, remplaçant le calme des rêves qu’il parvenait encore à faire par de longues réflexions solitaires dont seule une cinglante frustration émanait. Pourtant, c’était pour elle qu’il avait peur, il le savait bien. Il avait fait une promesse qu’il se sentit soudainement incapable de tenir.

       - Ta mère ne t’a-t-elle jamais appris à tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler ?

       - Je me suis laissée emporter, ça n’arrivera plus.

       - Ça arrivera au prochain bel homme que tu croiseras, pour peu qu’il ait un peu d’esprit et assez de jugeote pour ne pas te sauter dessus !

       - Tu es jaloux parce qu’il a une centaine d’années de moins que toi ?

       Le regard moqueur, le menton effrontément relevé, elle le défia du regard l’espace d’un instant. Pour une fois, ce fut lui qui abandonna là sa leçon de morale. Il n’arriverait à rien de cette façon, et les multiples égratignures qu’il recevait à chaque fois qu’il se frottait au caractère d’Elika le fatiguaient chaque jour un peu plus. La vieillesse… Elle n’avait pas tort.

       - Je me fiche pas mal de cet inconnu, Falgor. Mais le fait qu’il vienne d’Alistryn m’a fait penser qu’il n’était pas du même acabit que les autres. Je m’arrangerai pour le retrouver et le faire suivre, si tu veux… De cette façon, nous serons fixés.

       Le vieil homme se gratta la barbe, puis haussa les épaules, finalement indifférent à cette histoire. Il quitta sa chaise et jeta un œil par l’une des fenêtres de la bâtisse. Le ciel mis à part, tout semblait calme au-dehors.

       - Va te reposer, dit-il à Elika sans quitter la rue des yeux. Je te réveillerai si l’un de nos indicateurs nous rend visite…

       Elle acquiesça, termina sa coupe et quitta la table bancale. Le faste ébréché de la Grande Maison Rozières gardait ce parfum d’autrefois, malgré les défauts apparents dont elle rendait aujourd’hui compte.

       - Je regrette, Falgor.

       - De lui avoir adressé la parole ?

       Elle eut un sourire, puis disparut à l’angle de l'escalier de pierre qui menait aux étages.

       - Ou de ne pas lui avoir demandé son nom… ?, murmura le vieillard en quittant la pièce.

Avec la participation de Fiona.
A.W.

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