Pendrifter

Évasion et introspection sur les sentiers méandreux de l'écriture

Mercredi 26 janvier 2011

       Le plagiat, c’est le fait de copier une œuvre ou de s’en inspirer fortement. C’est considéré comme du vol : le plagiaire peut être condamné par la justice. Ce mot vient du latin plagiarus, qui avait un sens très fort : « celui qui vole les esclaves d’autrui ». Il est issu du grec plagios « oblique, fourbe ».
       Afin d’éviter l’appropriation de ces textes, les prochaines publications se résumeront à des extraits ou fragments du roman. Cela dit, j’invite toute personne désireuse de lire le passage dans son intégralité à me contacter. Je précise que les textes publiés dans leur intégralité ont déjà été primés par des organismes littéraires (dans le cadre de concours essentiellement) ou sont, dans le cas contraire, protégés via enveloppe Soleau.
       Pour tous renseignements complémentaires en rapport avec ce moyen de protection, voir le site de l’INPI,  http://www.inpi.fr/.


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02 Chapitre Premier - Sombre présage (Extrait)

       La fillette s’éveilla tandis que mourait dans sa gorge un hurlement d’effroi. Ses ongles avaient labouré son cou d’où irradiait encore une douleur lancinante. Elle se redressa dans un sursaut, le souffle court, et le regard animé par l’horreur. Le sang battait si fort à ses tempes qu’elle se cru sur le point de défaillir. Elle demeura assise là longtemps, en tailleur, les couvertures rejetées au pied du lit et le corps secoué de frissons. Son esprit était encore tourmenté par les échos d’un cauchemar devenu trop coutumier. Lorsque l’enfant parvint enfin à se dominer, elle enfouit son visage au creux de ses mains et poussa un long soupir qui trahissait sa lassitude et son désespoir. Elle n’en pouvait plus, et ce fut à grand peine qu’elle étouffa un sanglot.

       Refusant de se laisser abattre, elle se frotta les yeux puis se leva sans bruit, ses pieds nus effleurant le plancher vermoulu. Le candélabre qui diffusait une lumière vacillante projeta alors sur les murs de pierre une ombre fluette et tremblotante. Une légère brise s’engouffrait par la minuscule fenêtre qui surmontait la couche, apportant avec elle les rumeurs de la nuit et le chant lointain d’un grillon mauriuri. Ce souffle frais sur sa peau couverte de sueur arracha à l’enfant un nouveau frisson, et ce fut en claquant des dents qu’elle s’écarta de son lit pour se diriger vers le miroir accroché près de la lourde porte de chêne. Elle n’eut qu’un pas à faire, tant sa cellule était petite et dépouillée. Tout avait été fait pour favoriser le recueillement : une table de travail avec un tabouret, une étagère, un lit, un placard et un baquet d’eau constituaient le seul mobilier de sa chambre.

       A travers ses postillons de rouille, le miroir renvoya à la fillette l’image d’une enfant encore très jeune, sage et sereine… mais exténuée. La peau sombre, elle partageait les attributs physiques des peuples des terres orientales, et il était vrai qu’elle ressemblait traits pour traits à sa mère. Elle fut surprise par la gravité et la pureté qu’elle trouva au fond de son regard aux iris dorés, lorsqu’elle le croisa sur la surface polie de la glace. Elle arrangea alors ses tresses défaites par ces maigres heures de sommeil, et glissa entre celles-ci quelques plumes colorées, sa seule coquetterie. Puis elle s’adressa un petit sourire muet avant de se diriger vers la table sur laquelle trônaient un godet en terre cuite et un pichet ébréché.

       Elle s’en saisit et se servit à boire. L’eau était fraîche, et ce fut avec une certaine délectation qu’elle bu ces quelques gorgées après avoir approché le gobelet de ses lèvres. Sa gorge encore douloureuse en fut soulagée. Elle s’apprêtait à se resservir une seconde fois lorsque des gémissements étouffés s’élevèrent du couloir, juste de l’autre côté de la porte en bois. Le godet lui échappa des mains et se fracassa bruyamment sur le sol.

       « Ça recommence… Ça recommence ! »

       La respiration saccadée, elle demeura immobile, ses tempes martelées par la puissance du sang brassé par l’angoisse. Il lui semblait qu’elle sursautait à chaque battement de son cœur. Au terme d’un long silence passé dans un tremblement insoutenable, elle décida d’approcher avec précaution de la porte. Après une nouvelle hésitation, elle appliqua ses doigts fins contre le montant de bois et se hissa sur la pointe des pieds, se risquant à jeter un œil à travers le judas qui donnait sur le cloître. Il y régnait une pénombre presque mystique. Quelques chandeliers laissaient apparaître une fine brume qui semblait onduler dans la galerie. Mais les râles s’étaient tus, et il n’y avait pas âme qui vive à l’extérieur.

       L’angoisse de l’enfant ne s’était pas dissipée pour autant. La peur était toujours aussi présente en elle, et la crise de panique, toujours aussi proche. Elle s’aperçut qu’elle serrait les dents tellement fort que sa mâchoire en devenait un nouveau foyer de douleur. Il fallait pourtant prendre une décision. Si son corps tout entier lui hurlait de quitter précipitamment cet endroit, son esprit, plus réticent, lui suggérait de ne pas céder à cet affolement pourtant déjà ancré en elle. La fillette avait pourtant une terrible impression de déjà-vu, et ne pouvait se défaire de l’idée que quoi qu’elle fasse, elle ne pourrait échapper à son horrible destin.

       Elle recula d’un pas, fixant du regard cette porte qui la séparait du corridor, les poings serrés pour tenter d’entraver ces tremblements intempestifs. Doucement, elle avança une main vers le verrou couvert de rouille…
 

Création personnelle soumise à des droits d'auteur.
A.W.

Mardi 25 janvier 2011

http://pendrifter.cowblog.fr/images/Incertitudes.jpgPeinture à l'huile  « La promenade nocturne en carrosse ». Artiste : Marek Langowski.
 

01 Prologue - Incertitudes

       Dans un vacarme assourdissant, un nouvel éclair déchira le bouillonnant ciel nocturne. L’espace d’un court instant, le paysage désolé fut brillamment illuminé, suffisamment longtemps pour que l’on puisse distinguer un fiacre s’avançant à vive allure à travers la pluie battante. Il filait sur une route pavée en piteux état, par-dessus laquelle s’arc-boutaient des arbres aux formes improbables et sinistres. Dénuées de tout feuillage, leurs branches décharnées formaient une voûte enchevêtrée sous laquelle le carrosse venait de s’engager. Le marécage boueux avait peu à peu cédé la place à une plaine aride parsemée de ronces et de pics rocheux, et les hurlements des loups se mêlaient aux rugissements de la tempête, ponctués, par moments, par le croassement d’un corbeau.

       D’un claquement de fouet, le cocher exhorta son attelage, et les feux follets qui vagabondaient entre les arbres morts en diffusant une lumière verdâtre s’écartèrent au passage des deux juments noires. Elles tiraient une voiture aussi sombre que l’ébène, munie de montants et de poignées en argent. Les deux lanternes qui la surmontaient ne permettaient pas de percer les ténèbres environnantes, tout juste suffisaient-elles à éclairer le visage marqué par la fatigue et l’inquiétude du vieillard encapuchonné qui tenait les rênes. La portière s’entrouvrit alors, et un homme se pencha vers l’extérieur, le visage dissimulé sous un chapeau à large bord. Il échangea brièvement quelques mots avec le conducteur, mais leurs paroles furent étouffées par le grondement du tonnerre. Puis il referma le battant en reprenant place dans la diligence.

       - Nous arriverons à Xibalba peu avant l’aube, dit-il. Tu devrais te reposer d’ici à ce que nous arrivions.

       Naturellement, elle ne répondit pas.

      Il faisait chaud et sec dans le carrosse. L’homme ôta son couvre-chef et le secoua pour le débarrasser des gouttes de pluie qui le recouvraient, révélant de longs cheveux châtains réunis en une queue de cheval. Quelques mèches rebelles vinrent encadrer un regard taquin. En face de lui se trouvait une jeune femme fort séduisante, vêtue d’une étrange armure constituée de patchwork métallique. Son visage fin et délicat était auréolé d’une chevelure aussi blanche que la neige. D’une main gantée, elle avait écarté l’un des rideaux de velours rouge et son regard s’était perdu dans l’obscurité qui régnait au-dehors. Un bouclier et une épée finement ouvragée reposaient à ses côtés.

       - Tu n’es pas très loquace, jeune fille. Je ne sais pas ce qu’il y a de pire dans toute cette histoire : le fait de devoir me plier aux injonctions de ton paternel, ou celui de devoir supporter ce silence depuis notre départ de Sainte-Fontaine.

       Elle tourna vers lui ses yeux d’un bleu intense en se redressant sur son siège. Ils recélaient une sagesse plus profonde que son âge ne le laissait supposer.

       - Si Père ne t’avait pas tiré des mains des Al-kimias, tu danserais sans doute au bout d’une corde à l’heure qu’il est.

       Il éclata d’un rire franc et sincère.

       - Charmante! Tu es la digne fille de ton aïeul. Toujours sur la défensive, hein? Tu pourrais être adorable s’il t’arrivait de sourire un peu.

       - Je te trouve bien présomptueux pour un humain. Si cela n’avait tenu qu’à moi, j’aurais laissé ces créatures te lyncher en bonne et due forme.

       - Tu as trop bon cœur pour ça, répondit-il avec malice. Tu as beau te cacher derrière ton port altier et ton apparente impartialité, nous savons tous deux que tu es la douceur et la sensibilité incarnées. Tu n’aurais pas pu abandonner un si charmant garçon à son triste sort!

       Elle le fusilla du regard, mais s’abstint de tout commentaire. Après un bref silence, elle reprit :

       - Nous sommes au moins d’accord sur un point : je ne comprends pas davantage pourquoi Père t’a désigné pour m’accompagner. D’autant plus que c’est une tâche que je peux mener seule.

       - C’est bien ce qui me fait peur, avoua l’homme dans un soupir, abandonnant par la même occasion sa mine enjouée. J’ai un mauvais pressentiment. Quelque chose me dit que cette visite de courtoisie ne sera pas qu’une simple formalité, finalement.

       Elle ne dit rien, mais à en juger l’expression de son visage, il sut qu’elle partageait son sentiment. Il demeura un instant songeur tandis qu’elle se penchait à nouveau vers la fenêtre, après quoi il remonta le col de son épais manteau à franges et se coiffa de son chapeau, en prenant soin d’en abaisser le bord jusqu’à dissimuler son regard. Puis il s’installa plus confortablement au creux de son siège, un vague sourire revenant flotter sur ses lèvres. Dehors, la pluie continuait à tambouriner furieusement contre les parois du fiacre, et les rumeurs de la tempête berçaient les deux voyageurs qui se dirigeaient vers un avenir plus qu’incertain.
 

Création personnelle soumise à des droits d'auteur.
A.W.

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